mardi 12 mai 2009

6.4.09

Je me rappelle, il y a 20 ans, je dînais dans une pension de famille à Porta dans les Pyrénées. Un enfant unique se débattait entre père et mère à la table voisine. Une discussion serrée. Les parents tour à tour jouaient les alliés. Enfant seul sans personne pour aller contre, il bénéficiait de temps en temps du soutien d’un parent face à l’autre.
Aujourd’hui, je suis dans un restaurant de Pont-l’Evèque. Une enfant de 11 ou 12 ans dîne avec ses deux parents. Le plat de résistance est fini. Elle en a laissé une bonne partie dans l’assiette. Elle joue sur son téléphone portable. Les parents parlent entre eux. Les mondes sont séparés. Il n’y a pas de discussion. Il n’y a plus de question. L’enfant unique est seul. Les parents sont seuls. J’ai écrit dans un premier mouvement « définitivement » seuls. Exagéré sans doute mais c’est ce que je ressens.
Cette absence de question me terrifie. Absence de question, absence de questionnement. Chacun reste sur sa position, sur ses gardes, dans sa forteresse perso. C’est à l’image de notre univers actuel. Ça se parle sans s’écouter. Ça se parle non pas dans le but d’échanger ou d’évoluer mais d’utiliser le possible dévoilement de l’autre, une faiblesse éclairée en quelque sorte, pour asséner sa propre vérité, pour le coincer, pour démontrer combien on a raison… Alors plus personne ne se dévoile, c’est-à-dire n’expose son questionnement, sa fragilité.
Boule de neige.
Quand le président se déplace, il monopolise des hordes de CRS pour que justement les questions ne viennent pas à lui, pour que justement nulle faiblesse n’apparaissent. Où que ce soit. Attitude arrogante qui évidemment engendre la violence. Oui, le président peut être faible. Faible momentané. Comme nous tous. Nous sommes faibles momentanés car nous sommes humains. Sinon, à l’aune du président, nous sommes notre propre pantin.
Le pire, c’est qu’il n’est pas le seul en cause dans cette « marionnettisation ». Le monde que nous fabriquons, symbolisé par le portable, amplifie le penchant au repli sur soi.
Il sépare.
Il rigidifie.
Il cloisonne.
Il isole.
Il attise l’agressivité puisqu’il éloigne de l’autre.
Plus la vie nous fuit, plus l’agitation nous gagne.
S’il vous plaît, engagez la conversation avec votre voisin, surtout s’il paraît à mille lieux de votre monde. Engager veut dire s’engager, donc se livrer, c’est-à-dire ne pas cacher sa fragilité, ses faiblesses, ses questions, les vraies, pas les ersatz… et là encore, je pense au président.

Aucun commentaire: