lundi 1 mars 2010

CRISES DE MER de Christophe Tostain

Note d’intention


Christophe Tostain, dans Crises de mer, nous emmène sur la corde sensible de la distance qui se crée entre une mère et son fils, à force de désillusions, à force de vie minuscule qui se pose là, par faiblesse et par fierté de rien…
Tombera…
Tombera pas… .

François-Xavier Malingre - 2009

Extrait

Une bise légère emporte les mots par la fenêtre ouverte,
Survole la cité blanche,
Caresse l’échine des dunes,
Pousse chaque grain de sable vers l’eau,
Embrasse la mer ridée de vaguelettes naissantes,
Aussitôt mourante.
Le temps mobilise.
Ce pourrait être dimanche avec ses heures infinies.

Christophe Tostain, Crises de mer - 2009









Ateliers d'écritures au Collège Gustave Flaubert de Pont-L'évêque (14) avec Bruno Allain



Trois séances d'atelier d'écriture. Un auteur, Bruno Allain. Seize élèves de 5ème, 4ème et 3ème. Une comédienne Isis Louviot. Un enseignant Emmanuel Hartvick.
Le point de départ de l'écriture : « ceux qui partent / ceux qui restent ».
Une séparation ? Peut-être...
Une photo posée sur un meuble, accrochée au mur ou même oubliée dans un tiroir ? Pourquoi pas...
Sa propre image renvoyée par un miroir ? Surprenant...



Séance n°1

Se souvenir d'une séparation. La raconter ? Se contenter de faire une description du lieu où elle s'est déroulée, se focaliser sur les émotions éprouvées...


C'est un bâtiment gris. Les couloirs sont vides. Je me trouve seul face au silence. Un silence d'enterrement. J'ai en moi la nostalgie de quitter Sciotot. Les draps ont été enlevés. Les armoires ont été vidées, les poubelles également. L'ampoule grésille. Je dis un dernier au revoir à cette chambre si vaste et si vide mais qui paraissait si petite et si pleine quand on y était installé. Je regarde au sol. Le carrelage laisse penser que les bâtiments ont été construits vers 1990. C'est une chambre de quatre : quatre lits, quatre armoires, quatre tabourets mais une seule table et une seule poubelle. Les murs sont gris. Dans le passé, ils ont dû être blancs. Les radiateurs ont, eux aussi, été éteints. Je ferme les rideaux déchirés. J'appuie sur l'interrupteur et là, la pièce devient ténébreuse. Le bus m'attend, je traverse les sombres couloirs aux fenêtres censées être transparentes mais grises de crasse. Je descends l'escalier vétuste et arrive au premier étage. Je sors à l'air libre.
Antoine B.


Ça y est, on est arrivé à l’aéroport, moi et plusieurs membres de ma famille. Vers 11 heures du matin, il me semble. Comme d’habitude, le monde circule sans cesse, de droite à gauche, de gauche à droite. Ils savent tous bien où ils vont. Nous, nous allons récupérer nos bagages. Le tapis roulant ne se met toujours pas en marche, nous discutons tous ensemble des vacances que nous venons de passer. J’observe les gens autour de moi. Ils ont tous des réactions différentes. Certains téléphonent pour dire qu’ils sont bien arrivés, d’autres s’impatientent de revoir leur valise avec le contenu en bon état. Certains même ne font rien, ils attendent seulement leur valise sans aucune réaction, ils ne bougent pas. J’aime bien observer les gens, je trouve ça assez amusant. Après les contrôles habituels de la police et autres barrages de sécurité, il est temps de se séparer. Nous sommes encore dans l’un des halls de l’aéroport, au chaud. La tristesse m'envahit, je ne sais pas pourquoi. Pourtant, je sais bien que je vais les revoir. Tout est passé tellement vite… En plus, je suis fatigué par les vacances, par le voyage. En fait, je crois que c’est justement ça, les vacances : pouvoir passer du temps avec ma famille, rire et rire encore plus, profiter de tout. VIVRE ! Mais tout a une fin...
Romain C.



Je ne me souviens plus de la date. Ni du jour, ni du mois, ni de la saison. L'année ? En calculant je peux la retrouver. C'était en 2002.
Ces détails ont déserté ma mémoire. Je me souviens en revanche parfaitement de l'endroit. Un endroit que, depuis, j'ai tout fait pour éviter. Un simple champ fermé par une vieille barrière verte. Je grimpe dessus pour caresser les deux percherons qui broutent indifférents. Le vent souffle et plie de sa force implacable les branches des arbres centenaires. Ceux-ci dissimulent la grande route qu'on entend plus qu'on ne la voit. Derrière moi, de l'autre coté du vieux chemin goudronné, trône un vieux bâtiment délabré qui semble être là depuis la nuit des temps. Plus loin, on peut apercevoir la masse verte et indistincte de la forêt. Le silence règne sur cet endroit que nous troublions avec nos rires d'enfants.
Un simple lieu comme on en trouve partout en campagne. Mais un lieu rempli de souvenirs...
Les meilleurs mais aussi les pires. C'est là que tout a commencé et c'est là que tout a pris fin.
Layla D.


Je suis pressée. Pressée sans être pressée. Pressée malgré la peur. La peur de quitter mes parents. La peur d’être mal accueillie.
Je suis troublée par ce lieu. Mon père discute avec tout le monde et moi, rien. Transparente. Invisible. Je vois beaucoup de sourires et moi, rien. Neutre. Aucune expression.
Je fixe tout le monde, tremblante, serrant mon sac, collant mon père... Mes parents sont partis, je n’éprouve aucun sentiment. Aucun sentiment ni haine, ni colère. Rien de tout ça. Le vide.
Baron E.



Émotions
battements de cœur
sensation
hésitation
malheur
bonheur
gaie
émouvant
pleurs
sourire
content
honte
tentation
heureux
malheureux
peur
attirance
oui
non
attachement
émotions
battement de cœur
sensation
différent
joie
tristesse
solitude
souvenir
partir
revenir
envie
vide
remplie
émotions
battements de cœur
sensation
Mélanie D.



Je me sens oppressée, comme prise dans un étau. Incapable, je suis incapable de lui faire part de ce que je ressens.
J'ai envie d' hurler mais comment hurler à l'intérieur de soi, avec cette boule au ventre qui ne cesse de grossir et va finir par exploser ! Je suis à la fois le serpent difforme après son repas et la proie étouffée qui avance inexorablement vers la fin.
Alexandra D.

J’avance. Je m’arrête. J’ouvre la bouche. Mes paroles résonnent. Mais je bégaye. Je tremble. Mon cœur tambourine. L’adrénaline coule dans mes veines. Puis soudain. Tout s’arrête. En commençant par les pieds. Je sens chaque partie de mon corps devenir fragile. Fragile comme un château de cartes. Qui s’effondre au moindre souffle. Les minutes passent puis. Au bout de 20 minutes exactement. Je m'évanouis.
Amélie G.


Séance n°2

Décrire une photographie. Prendre le temps de la regarder. S'attarder sur un visage, sur un détail. Se rappeler de l'instant immortalisé.


Un visage à la peau mate. Des cheveux noirs et fins. Une bouche finement dessinée, à moitié entrouverte, laissant apparaître la blancheur nacrée de ses dents. Des yeux chocolat aux pupilles dilatées. Des paupières qui semblent s’ouvrir et se fermer doucement. Des sourcils légèrement épilés. Un air mystérieux…
J’ai retrouvé cette photo perdue, laissée à l’abandon dans un vieil album, rangé dans une armoire recouverte de poussière, oubliée avec le temps. Sur cette photo, un vieil ami d’enfance. Il était assis là sur le canapé, près de la cheminée. Sourire aux lèvres, attendant que le flash de l’appareil jaillisse. Lorsque je l’ai reçue par mail, je l’ai toute de suite rangée avec soin dans un album photo, tout neuf... Ce n’est que 6 ans plus tard que j’ai retrouvé sa trace.
Amélie G.


Il a les cheveux châtains, châtain foncé, des mèches lui arrivent jusqu’en bas du front. Ses yeux sont marron. On peut voir dans son regard l’envie de se battre. Il a un nez... Un nez normal. Sur la photo, il sourit. On peut voir ses dents bien blanches. Aucune ride sur son visage. Il rayonne de bonheur et de plaisir.
Amélie R.


Une mèche de cheveux bruns ornée d'un ruban noir cache l'un de ses yeux marron-vert cerclés de crayon. Ses cils sont redessinés au mascara. L'une de ses pommettes roses est dissimulée dans l'ombre. Son nez est parsemé de taches de rousseur. Sa bouche est pincée dans une mimique rieuse qui ne la quitte jamais. L'air enfantin de son visage exprime sa joie de vivre.
Layla D.

Des cheveux bruns comme du bois, des yeux bleu pacifiques.
On ne voit que la tête et le cou, rien d’autre.
Un nez normal, ni trop gros, ni trop petit. Bref, un joli nez.
Cette photo, je l’ai reçue par SMS. Elle me l’a envoyée parce qu’elle le voulait.
Elle reste là, dans mon portable et je vais la garder.
Clément L.

Son visage s’illumine…
Ses yeux brillent…
Le plus beau sourire qui existe.
Celui d’une personne heureuse.
Ce sourire est si naturel et tellement simple, que lorsque mon regard se pose sur lui, il ne peut s’en détacher.
Les Saintes-Maries de la mer, en Camargue. Nous sommes sur le toit de l’église. Un après-midi ensoleillé. Le ciel est bleu, comme vidé de tous ses nuages…
Cette photo est posée à coté de mon lit. J’aime la regarder. Elle me rappelle cette journée de vacances.
Je me souviens encore du moment où la photo a été prise : mon petit frère essayait de s’échapper des genoux de mon père pour aller jouer...
Aude L.



Séance n°3

Se regarder dans un miroir. Etre confronté à son image. Avoir envie de lui parler ? La défier ou au contraire ne pas la supporter...

Quand je me vois dans une glace, j’ai envie de me mettre des claques, par centaines. Le matin, quand je me coiffe et que je n’y arrive pas, je m’énerve. Parfois même je crie !
Quand je vois mon reflet dans une vitrine, dans la rue, je me dis : « Qu’est-ce que tu fais là ? »
Clément L.


Ce matin-là comme tous les matins, une silhouette me ressemblant comme deux gouttes d’eau s'avance vers moi. Elle avance au même rythme que moi. Face à face, le regard fixé sur moi, elle me dévisage. Elle fait les mêmes gestes que moi avec une précision désarmante. J'ai tellement de questions à poser à cette chose sans vie.
Tout à coup, une lumière surgit ! A ce moment précis, je me rends compte que la silhouette mystérieuse n’est autre que mon reflet dans le miroir. Amélie G.


Une minute. Choisir une minute de sa vie et la raconter. Une petite minute, pas une de plus...


Tu viens de mettre ton pyjama, tu te mets dans ton lit sous tes couvertures. Très vite, tu te relèves pour ouvrir ton vélux, car tu as trop chaud. Tu te recouches sur ton lit et tu attends que tes yeux se ferment, que tu t'endormes.
Mais le seul problème, c'est que tu n'y parviens pas ! Tu as beau te tourner dans tous les sens, tu n'y arrives pas !
Tu décides donc d'allumer la lumière et de mettre un peu de musique. Finalement, tu te dis que la musique est trop "agitée" pour que tu puisses t'endormir. Tu renonces et tu prends un livre sur ton bureau. Au fur et à mesure de ta lecture, tu finis par avoir les yeux qui se ferment, petit à petit...
Tu ne luttes pas, tu vas reposer ton livre, tu éteins la lumière, et tu finis enfin par t'endormir...
Harmonye M.


mardi 12 mai 2009

10.4.09

Allez au bar du théâtre. Vous la verrez. Elle est au zinc devant un café ou à une table en train de déjeuner parmi sa bande. Elle parle. Elle parle 80% du temps, les autres se débrouillent avec ce qui reste. Elle poursuit des centaines de conversations, celles entamées depuis la nuit des temps et qui durent : l’un, l’autre, comment tu vas, les gendarmes étaient encore au carrefour de la gare hier soir… Elle a l’œil partout. Elle vous regarde direct et l’instant d’après baisse les yeux comme une petite fille. Elle a le franc-dire et le parler-haut. Elle est toujours partante. Elle arrive et elle s’en va par la porte côté cour. A la revoyure, Wowol !

Le cinéma de Pont-l’Eveque, le Concorde, porte bien son nom. Lieu inouï. En ce moment se déroule le festival du film d’animation. Tout est gratuit, c’est-à-dire offert par la mairie. Un jury d’enfants décerne un prix en fin de semaine. La salle est pleine : mômes, parents. A la fois ça bruisse, à la fois ça écoute avec une attention surprenante. Monsieur Leforestier présente le film du moment au micro : technique 3D avec lunettes en carton pour voir le relief. En avant, c’est parti : voilà trois mouches en direction de la lune.Je me régale. De la séance. De l’ambiance. Je me régale du plaisir du patron. Faire partager la passion qui l’anime avec une générosité toujours neuve. Précieux. Tellement précieux par les temps qui courent.